La fin des illusions.

14, février 2025

Thématique Expressions : économie

Dans le flot de l’info où le moindre fait divers surmédiatisé suscite la déferlante de commentaires haineux, la question sociale a bien du mal à émerger. Tout cela permet à l’extrême droite de capitaliser sur ces faits divers pour mieux les imputer à son obsession : l’immigration.

Pourtant le pouvoir d’achat demeure et de loin la préoccupation première dans le pays.

Elle affecte des catégories qui jusqu’à présent se pensaient à l’abri.
Depuis plusieurs semaines, les salariés de THALES, des sites de Mérignac, Meudon, Brest, Toulouse, Thonon les Bains, Valence, sont en lutte pour exiger « des hausses de salaire dignes de ce nom ». Ils ont été accueillis devant le siège du groupe par 80 CRS.


Progressivement à partir des années 1990, ces catégories de salariés ont vu fondre leurs revenus : à cette époque un cadre gagnait en moyenne 4,5 smic par mois. Actuellement c’est 1,8 smic soit une perte mensuelle de 1820 euros constants. Un technicien gagnait 2,4 smic par mois, il ne touche plus que 1,8 smic et perd ainsi 800 euros constants. Une situation d’autant plus difficilement acceptable quand ce groupe se prévaut de 1 milliard d’euros de bénéfice, que les principaux dirigeants se distribuent un max d’actions gratuites leur rapportant à la revente « des sommes astronomiques ».


Les actionnaires ne sont pas en reste, le fruit du travail du personnel leur procure une rente de de 1100 euros par mois et par salarié. Autres sources de mécontentement : l’absence de reconnaissance, mais surtout la financiarisation du groupe au détriment d’une politique industrielle ambitieuse de diversification tournée vers l’avenir. Pour se développer pendant la révolution industrielle, le capital a besoin d’une « élite » voire de « petits soldats » totalement assujettis à sa vision de la société, de cadre formatés à son discours, ne remettant pas en cause son hégémonie.

Il donne à ceux-ci l’illusion de défendre des intérêts communs, à force de travail d’intégrer la classe supérieure : la bourgeoisie. Il crée pour se faire la « classe moyenne » une sorte de purgatoire donnant l’accès au paradis capitaliste qu’elle rendrait plus humain.

La crise systémique du capital rabat les cartes. Les cadres, « la classe moyenne », est victime d’un déclassement et au même titre que l’ensemble des salariés devient une variante d’ajustement. Le chômage les touche de plus en plus ; au premier trimestre 2025, 48% des entreprises de grande ou de taille intermédiaire envisagent de recruter au moins un cadre contre 54% en 2024 et seulement 14% dans les PME.


Nombre d’entre eux s’endettent auprès des banques pour payer des études supérieures à leurs enfants dans l’espoir de leur éviter un déclassement social.

 

Le fait nouveau dans le conflit social qui oppose la direction de THALES aux salariés est de voir ces derniers remettre en cause les choix de gestion de leurs dirigeants : « Thalès se reposes sur ses lauriers et n’investit plus sur des programmes qui pourraient permettre une diversification,  on ne préoccupe pas assez de l’avenir » déclare un représentant syndical (S.Ouest 24/01/2025).

 

Dans cette phase d’accélération de la casse de nos fleurons de l’industrie, c’est à la découverte de la lutte des classes que sont confrontés ces personnels.


Il n’y a jamais eu de classe moyenne ou intermédiaire mais simplement une classe bourgeoise qui détient tout et décide de tout face à une classe travailleuse, quel que soit son niveau social.

Le conflit de Thalès pose la question du pouvoir d’intervention des salariés dans l’entreprise.
Est –il la genèse de la conquête de ce pouvoir sur le capital partout où il s’exerce ? Sur l’utilisation de l’argent dans les entreprises comme dans les banques. De quoi donner un sens à leur investissement dans l’entreprise gangrenée par le découragement, un désinvestissement dans le travail au quotidien comme l’explique un salarié du site de Brest.

Une idée qui fait son chemin ; pour Marie-Claire Cailletaud de la CGT « l’Etat ne peut plus être le seul lieu de contestation du capitalisme. Un mouvement de revendication de nouveaux droits à partir de l’entreprise devient indispensable, ainsi qu’un système de pouvoirs permettant de les faire respecter. Le mouvement syndical doit redéfinir son rapport au politique. Dans le rapport de force qu’il faut établir, personne n’est de trop. Chacun a son rôle à jouer dans le respect de son indépendance et sans hégémonie. Syndicats et partis pourraient se doter de lieu d’échanges pour mettre leurs forces au service de propositions communes ».

 

Cette proposition est développée dans le projet politique du PCF pour la France. Il est d’ailleurs le seul parti de gauche à avancer dans ce sens.
Historiquement, la tradition de la gauche du PS à LFI est que le capital gère et l’Etat se cantonne à corriger les dégâts par la fiscalité ou par les aides. (Nous sommes les gérants loyaux du capitalisme L. BLUM.)

 

 

 

 

 

Cette logique a fait son temps, elle ne fonctionne plus parce que la crise systémique profonde du capitalisme ne peut se résoudre avec des recettes du passé. Les querelles pour le leadership à gauche entre le PS et la LFI, les tactiques afin d’y parvenir sont contre-productives, elles prennent le pas sur la réflexion citoyenne, sur les projets.

 

 

«C’est en écartant les polémiques inutiles, en mettant en débat les questions cruciales sur lesquelles se jouent l’influence et l’hégémonie, en le faisant dans le peuple de gauche et pas dans les seuls états-majors, que la gauche contribuerait à alimenter le moteur pertinent d’une sortie de crise : le libre arbitre du peuple souverain. C’est à lui de trancher, le plus vite possible, sans précipitation, mais sans report trop lointain dans le temps », souligne l’historien Roger  Martelli.

 

Encore faut-il qu’on lui en donne les moyens, au risque de désespérer un peu plus l’électorat de gauche et de le pousser vers l’abstention voire au pire vers le FN/RN. Bardella, en attaquant lors d’un meeting Sophie Binet, secrétaire de la CGT, qui dénonçait les menaces de délocalisation de Bernard Arnaud, nous éclaire sur son peu empathie  pour le monde du travail : un glissement fortement entamé lors des dernières législatives.

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